Rêves et renaissance, 2012/13

Sommeil paradoxal est une série inédite de portraits de « dormeurs » au fusain et à la sanguine. Délicatement installés en suspension, au milieu d’envolée de plumes, suggérant par métaphore l’oreiller du dormeur mais aussi la légèreté des songes, ou de l’ange qui passe dans les songes, les dessins de Sandra Krasker évoquent la vulnérabilité du corps dans le repos et la fragilité de l’état de sommeil.
L’œuvre dessinée de Sandra Krasker s’inscrit dans une recherche particulièrement contemporaine sur ce qui anime le corps, non pas tant dans la forme générique du corps humain, mais dans ce qui en constituerait un portrait possible.
D’emblée, on sent chez cette artiste en émergence un goût, que la précipitation contemporaine aura rendu suranné, pour le travail et  l’effort, mais aussi pour la lenteur, celle du temps qui se vit, celle du « faire », du dessin qui se trace, de l’attente. Temps de l’observation, de la contemplation. Cette mise à distance de l’immédiateté se retrouve ainsi de multiples manières dans son travail.
Sandra Krasker entend saisir une vérité du modèle, une vérité sous-jacente, perceptible dans un regard, une attitude, un geste… Il s’agit pour elle de  privilégier la saisie de l’émotion, du vécu, du ressenti, une forme de beauté qui n’est pas celle, académique, de parfaites proportions, mais qui a à voir avec ce qui transparaît de l’humain, ce qui en fait la beauté, en somme, réévaluant ainsi le sens de la « figuration ». Derrière cette sorte de perfection classique de la ligne, ce n’est pas le corps qu’elle dessine mais c’est à travers lui, parce qu’il est enveloppe et support nécessaire, la saisie d’une intériorité implicite, le choix de la vulnérabilité de la chair à la fois que de sa puissance, une certaine forme de véracité au-delà, ou en deçà de la matière.
Ainsi les dessins de Sandra Krasker expriment avec puissance les palpitations de la vie, le sang qui coule dans les veines, la chair dans son dénuement, sa fragilité concrète, sa complexité aussi, bref, tout ce qui donne sa valeur intrinsèque et inaliénable à l’humain, à l’heure où le cynisme l’emporte parfois sur la vie.

Extrait du catalogue « Au-delà de mes rêves », octobre 2013 au Monastère Royal de Brou et à H2M, Marie Deparis‐Yafil, critique d’art et commissaire d’exposition.